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Recevabilité d’un référé suspension à l’encontre d’un permis de construire : attention à la cristallisation des moyens !

Il n’est pas rare que les recours en annulation dirigé contre un permis de construire se doublent d’un recours en référé-suspension.

En effet, rien ne s’oppose à ce que le bénéficiaire d’un permis de construire dont la légalité est contestée devant le juge administratif démarre ses travaux de construction. Afin d’interrompre ces travaux, il est donc possible de solliciter du juge administratif des référés qu’il en suspende l’exécution le temps que le juge du fond se prononce (article L. 521-1 du code de justice administrative).

Par un arrêt rendu le 20 octobre 2021 (n° 445731), le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de recevabilité d’un référé suspension dirigé contre un permis de construire, postérieurement à un recours en annulation.

Dans cette affaire, un groupe de requérants avait formé, par requête enregistrée le 19 novembre 2019, un recours en annulation contre un permis de construire délivré par le maire de la commune de Nogent-sur-Marne à Monsieur B.

Un premier mémoire en défense (celui de M. B, le pétitionnaire) avait été communiqué aux parties le 9 mars 2020. Les requérants avaient toutefois attendu le 12 octobre 2020 pour déposer leur requête en référé suspension.

Le délai fixé pour la cristallisation des moyens dans le cadre de la procédure au fond étant expiré depuis le 11 mai 2020, le juge des référés a conclu à l’irrecevabilité de leur demande.

En effet, en vertu des dispositions de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, « [u]n recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort ».

Par « cristallisation des moyens », il faut entendre l’impossibilité pour une partie d’introduire de nouveaux moyens au cours d’un procès.

Le juge administratif a la possibilité de fixer par ordonnance la date à laquelle cette cristallisation des moyens interviendra (article R. 611-7-1 du code de justice administrative).

Toutefois, dans le cadre d’un recours dirigé contre un permis de construire, la cristallisation des moyens intervient automatiquement passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (article R. 600-5 du code de l’urbanisme).

Dans son arrêt du 20 octobre 2021, le Conseil d’Etat réaffirme trois points importants :

  1. « Le délai fixé pour la cristallisation des moyens » au sens de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme est bien le délai « automatique » de deux mois prévu par l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme, par exception au délai que le juge administratif peut lui-même fixer par ordonnance en vertu de l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative.
  2. Le délai de 2 mois pour la cristallisation des moyens intervient à compter du premier mémoire en défense produit indifféremment par l’un des codéfendeurs (c’est-à-dire soit le bénéficiaire du permis de construire soit la commune).
  3. Tout recours en référé-suspension introduit après l’expiration du délai de cristallisation des moyens de la procédure en annulation est irrecevable.

Les requérants ont donc tout intérêt à introduire leur recours en référé-suspension le plus tôt possible sous peine de laisser passer le délai de cristallisation des moyens et de voir leur demande frappée d’irrecevabilité.