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Dans quel cas peut-on se prévaloir d’un permis de construire tacite ?

Le droit de l’urbanisme permet aux constructeurs, sous certaines conditions, de bénéficier d’un permis de construire tacite. Quelles sont-elles ?

1. LA NAISSANCE DU PERMIS DE CONSTRUIRE TACITE

Le permis de construire tacite nait du silence gardé par l’administration au terme du délai d’instruction d’une demande d’autorisation.

A l’expiration de ce délai, et faute pour l’administration d’avoir notifié une décision expresse d’acceptation ou de rejet dans ledit délai, le permis de construire est réputé obtenu de manière tacite (articles L. 424-2 et R. 424-1 du code de l’urbanisme).

En somme, le silence gardé par l’administration au terme du délai d’instruction vaut décision implicite d’acceptation de la demande de permis de construire, que celle-ci soit déposée par un ou par plusieurs pétitionnaires.

Cependant, dans une décision récente rendue en avril dernier (CE, 5ème – 6ème chambres réunies, 2 avril 2021, SSerpe, n° 427931), le Conseil d’Etat est venu préciser le régime du permis tacite lorsque la demande d’autorisation a fait l’objet d’un refus à l’égard de l’un seulement des pétitionnaires.

Ce refus fait-il obstacle à la naissance d’une autorisation tacite pour les autres demandeurs ?

La réponse est affirmative.

En effet, en pareil cas, le juge administratif considère que la notification d’une décision expresse de refus à l’un des demandeurs fait en principe obstacle à la naissance d’un permis tacite à l’égard des autres demandeurs.

Il ne peut en aller autrement que lorsque la décision expresse de refus, notifiée au demandeur avant l’expiration du délai d’instruction, ne rejette la demande de permis qu’en tant qu’elle émane de cette personne et pour des motifs propres à son projet de construction.

Une telle décision ne fait alors pas obstacle, en elle-même, à la naissance d’un éventuel permis tacite à l’issue du délai d’instruction au profit des autres demandeurs et pour leur propre projet.

2. LE CALCUL DU DELAI D’INSTRUCTION D’UNE DEMANDE DE PERMIS

Le délai d’instruction de droit commun d’une demande de permis de construire est de :

Le point de départ du délai d’instruction court à compter de la réception ou du dépôt en mairie d’un dossier complet de demande d’autorisation (article R. 423-19 du code de l’urbanisme).

Le délai d’instruction peut être prorogé par une demande de pièces complémentaires.

En effet, lorsque l’administration formule une demande de pièces complémentaires, le délai d’instruction, automatiquement prorogé, ne commencera à courir qu’à compter de la réception des pièces manquantes (article R. 423-39 du code de l’urbanisme).

Ces dernières devront être transmises par le demandeur dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande de pièces (article R. 423-39 du code de l’urbanisme).

Pour pouvoir valablement proroger le délai d’instruction, la demande de pièces complémentaires est toutefois soumise à deux conditions cumulatives :

Au-delà de ce délai d’1 mois, le dossier est réputé complet et toute nouvelle demande de pièces complémentaires n’aura aucune incidence sur le délai d’instruction (article R. 423-22 du code de l’urbanisme).

A défaut, et quand bien même la demande de pièces serait intervenue dans le délai d’1 mois, un permis de construire tacite pourra naître au terme du délai d’instruction de droit commun (2 ou 3 mois selon le projet).  

3. DES EXCEPTIONS S’OPPOSANT A LA NAISSANCE D’UN PERMIS DE CONSTRUIRE TACITE

Par exception, le code de l’urbanisme énumère de manière limitative une série d’hypothèses pour lesquelles le silence gardée par l’administration à l’issue du délai d’instruction vaut décision implicite de rejet de la demande de permis (article R. 424-2) :

  • Lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ;
  • Lorsque le projet est soumis à enquête publique en application du code de l’environnement ;
  • Etc…

Il en va de même des cas où l’octroi du permis de construire est soumis à l’accord de l’architecte des bâtiments de France et que celui-ci a notifié à l’administration, dans les délais prévus, un avis défavorable ou un avis favorable mais assorti de prescriptions (article R. 424-3 du code de l’urbanisme).

4. LA VALEUR DU PERMIS DE CONSTRUIRE TACITE

Le permis de construire tacite bénéficie de la même valeur juridique qu’un permis de construire classique.

Il produit les mêmes effets et est soumis aux mêmes obligations.

Cela signifie que le permis peut être exécuté – et donc les travaux de construction entrepris par le demandeur – dès son obtention et au minimum dans un délai de 3 ans à compter de son obtention (article R. 424-17 du code de l’urbanisme). Si les travaux ne sont pas entrepris dans ce délai, le permis tacite devient caduc.

Cela signifie également que le permis tacite devra faire l’objet d’un affichage sur le terrain pendant toute la durée des travaux (article R. 424-15 du code de l’urbanisme). Pour ce faire, le titulaire du permis pourra notamment afficher soit le récépissé de dépôt de la demande de permis soit le certificat de permis de construire tacite (voir ci-dessous).  

A l’instar d’un permis de construire obtenu de manière expresse, le permis de construire tacite pourra faire l’objet d’un recours en annulation à l’initiative de tiers.

Il pourra également faire l’objet d’un retrait par l’administration s’il est illégal et dans un délai de 3 mois à compter de son obtention (article L. 424-5 du code de l’urbanisme). Passé ce délai, le permis ne pourra être retiré que sur demande expresse de son bénéficiaire ou en cas de fraude.

Le retrait ne peut intervenir que par décision motivée de l’auteur de l’acte et après que le pétitionnaire a été mis à même de présenter des observations (article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration).

En pratique, l’auteur de l’acte devra avertir le bénéficiaire du permis tacite qu’il entend le lui retirer, lui faire connaître les motifs de sa décision et lui laisser un temps suffisant pour lui répondre (que la jurisprudence estime à 10 jours minimum –  CE, 30 décembre 2015, S Polycorn, n° 383264).

5. LA POSSIBILITE DE SECURISER DES PROJETS TACITEMENT AUTORISES

Le bénéficiaire d’un permis de construire tacite a la possibilité de solliciter auprès de l’administration la délivrance d’un certificat de permis de construire tacite (article R. 424-13 du code de l’urbanisme).

Cette procédure peut être utile notamment pour faciliter des démarches auprès des banques ou pour assurer l’affichage du permis.

L’administration est en principe tenue de délivrer ce certificat sauf à démontrer qu’aucun permis tacite n’a pu naître (CE, 27 avril 2011, Cne de Carrouges, n° 344870).

Le refus de délivrance du certificat de permis de construire tacite est une décision qui fait grief dès lors qu’elle s’apparente à une décision de rejet de la demande d’autorisation.

Dès lors, le bénéficiaire du permis tacite à la possibilité de saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de cette décision (par exemple CE, 12 février 2020, Ville de Paris/S Le Toit parisien, n° 421949).

Lorsque l’urgence de la situation le justifie, ce recours peut être accompagné d’une demande de référé suspension visant à obtenir la suspension de la décision litigieuse le temps que la juridiction se prononce sur son annulation au fond.

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